A︎︎︎X



A

︎︎︎Abonnenc Mathieu Kleyebe

Ça va ça va on continue, 2021-2013, vidéo, 31’11’’, Fonds d’art contemporain – Paris Collections.

Né en 1977.
Vit et travaille à Sète.

En tant qu’artiste-chercheur, Mathieu Kleyebe Abonnenc mène un travail de recherche sur la mémoire des récits marginalisés des mouvements de libération en Afrique lusophone. Son film Ça va, ça va, on continue met en scène un jeune historien portugais qui s’adresse à une foule réunie dans un amphithéâtre. Taxé d’appro- priation culturelle, ce dernier est critiqué pour son manque de discernement quant à la position privilégiée depuis laquelle il s’exprime. Ce dispositif régit la distribution des pouvoirs sym- boliques entre celui qui parle, détenteur du savoir «légitime» sur l’expérience des opprimé·e·s, et celle·ceux qui écoutent et remettent en question sa vision ethnocentrée. Un renversement s’opère cependant au cours du film lorsque l’on comprend que les textes du film sont empruntés à des ouvrages d’auteur·rice·s (bell hooks, Trinh T. Minh-Ha), qui ont analysé les systèmes d’oppressions intersectionnelles auxquels sont confrontées les personnes racisées. Mise en abîme possible des problématiques rencontrées par l’artiste, ce film met en exergue la difficulté de retranscrire, réactiver, se remémorer ou commémorer ces mou- vements de résistance sans les déformer ou les fantasmer et en respectant la mémoire de celles·ceux qui en furent les témoins et les passeur·euse·s.



︎︎︎Almendra Wilfrid


Killed in action (CSH #, Whithey R. Smith), 2009, acier, fer à béton, téflon, ciment, 107x105x19, Fonds d’art contemporain – Paris Collections.

Né en 1972.
Vit et travaille à Marseille.

Wilfrid Almendra s'inscrit dans un travail de composition où les idées et les matériaux sont inséparables. Sa pratique artistique, englobant installations et sculptures, est une manière de refaçonner, de transformer, de questionner le devenir d’une matière dite déchet. En effet, ses productions sont réalisées à partir du principe de l’économie alternative. Qualifié comme un ethnographe des banlieues, l’assemblage de ses formes s’amuse des imaginaires du monde ouvrier, de l’habitat, et interroge les problématiques liées aux classes sociales. Une inspiration et une relation étroite avec l’architecture pavillonnaire rythment son travail.

Killed in action (CSH#, Whithey R. Smith) est une sculpture murale symbolisant les vestiges d’une fondation de maison restée à l’état de projet. Son esthétique bétonnée, à la fois géométrique et minimaliste, reprend les codes d’agencement des architectures modernistes. Les tiges d'acier structurant les espaces deviennent alors des flux, des connecteurs. Cette mise en tension cherche à mettre en lumière l’écart entre les projections faites par les urbanistes à l’ère des utopies et la réalité actuelle.


︎︎︎Archambault Hannah


Linger on me (Attarde-toi sur moi),
2021, moquette, sel, corde, enregistrement sonore, dimensions variables.


Né en 1996.
Vit et travaille à Paris.

Linger on me s’apparente à une adresse, une invitation à pénétrer un environnement polysensoriel au sein duquel l’expérience du corps, assimilable à une membrane sensible, est fondamentale. Habité par une moquette transformée en dispositif immersif déposé sur un parterre de sel, cet espace est animé par une composition électronique et une ambiance lumineuse qui enveloppent les visiteur·euse·s et canalisent leur attention jusqu’à éveil- ler en elleux des émotions variées associées aux rituels domestiques et sociaux. Par cette immersion dans un espace restreint et sans repères, Hannah Archambault propose à deux personnes inconnues l’une à l’autre d’éprouver la distance physique qui sépare leurs corps et de questionner les frontières réelles ou imaginaires entre sphères intime et publique.


B
︎︎︎Badaut Haussmann Laëtitia



Maisons françaises, une collection, #600-601
2013, Tirage pigmentaire sur papier Enhanced Matte contrecollé sur aluminium, 67,39 x 104,5 cm, Fonds d’art contemporain – Paris Collections. Source : Revue Maison & Jardin #330, Editeur Molteni

Maisons françaises, une collection, #240-241,
2015, Tirage pigmentaire sur papier Enhanced Matte contrecollé sur aluminium, 67 x 104 cm, Fonds d’art contemporain – Paris Collections. Source : Revue Maison & Jardin #328, Editeur Molteni

Née en 1980 à Paris.
Vit et travaille entre Paris et Londres

Ces images issues de la série Maisons françaises, une collection, inaugurée en 2012 par Laëtitia Badaut Haussmann, nous amènent à l’intérieur d’un espace domestique dépouillé de tout geste décoratif. Voués à être un lieu de vie intime, ces espaces accueillent ses habitant·e·s tout autant dépersonnalisés. Provenant d’une collection de numéros de 1971 à 1989 du magazine de décoration Maison française que l’artiste a retrouvé au domicile de sa grande mère, les images choisies suivent le même protocole de lissage. Après un passage en noir et blanc, l’artiste expurge à l’aide d’un logiciel numérique tout logotype, slogan, ou légende de l’image publicitaire, en se concentrant alors sur l’objet representé et la procédure photographique. Affirmant une étrange singularité, Badaut Haussmann interroge, à travers cette série, la promesse des images publicitaires d’une félicité domestique moderne. Comment la production industrielle, le design, et la publicité génèrent des tendances au début du 20ème siècle jusqu’à aujourd’hui ? Il s'agit de développer une enquête sur l'intégration de cette promesse dans nos habitudes quotidiennes et l'imaginaire qui se construit au sein du foyer.


︎︎︎Borderie Julia & Le Gallo Eloïse



Des sources, 2018, sculpture, céramique, sangle et eau, Série de 9 céramiques, Formats variables.

Nées en 1989.
Vivent et travaillent à Paris.

Débutée en 2018, la série Des sources trouve son origine dans une exploration des montagnes de l’Ardèche à la recherche des sources qui, depuis plusieurs générations, ont alimenté en eau les villages de la région. Ces gourdes sont confectionnées par moulage réalisé sur la surface des différentes infrastructures de sources rencontrées (la source des garçons à Montpezat, le lavoir du Château du Pin et la source collective de Saint-Mé- lany entre autres) et cuites dans un four local. Encastrables dans le paysage, elles revêtent des formes variées qui sont autant définies par l’empreinte que le modelé du goulot qui en résultent. En invitant le public à s’en saisir et à enfiler les sangles afin de les transporter sur son corps, Julia Borderie & Eloïse Le Gallo mettent en lumière comment l’acte de transmission de l’eau se situe au fondement des liens sociaux tissés entre communautés.



︎︎︎Bourouissa Mohamed


Sans titre (le feu), 2009 – 2010, Tirage couleur à développement chromogène sur papier sané contrecollé sur aluminium, 94 x 120, Fonds d’art contemporain – Paris Collections.

Né en 1978 à Blida.
Vit et travaille à Paris.

Fruit d’un long travail d’immersion, les œuvres de Mohamed Bourouissa renversent les représentations et les perceptions dévalorisantes que nous portons sur certaines franges de nos sociétés. En faisant apparaître au grand jour ces êtres invisibilisés, il souhaite restituer un espace de pouvoir qui leur a été arraché. L’ensemble de ses œuvres révèlent une forme de résistance qui permet de reconstituer l’histoire commune de ces vies contraintes de s’installer dans les espaces périphériques.
        
Dans Sans titre (le feu), 2009-2010, la rue prend la forme d’un espace domestique où, grâce au feu, (ré)apparaît le foyer. Si dans la rue la notion de foyer semble habituellement absente, le feu semble ici irradier et apporter l’atmosphère d’un espace domestique reconfiguré déstabilisant toute conception normative. Tel un moment de résistance, cette photographie propose une nouvelle interprétation de l’histoire des marges où ces dernières prennent le pouvoir sur les représentations traditionnelles de notre imaginaire. En dehors des conceptions dépréciatives, des lisières et des seuils, émergent de nouvelles énonciations collectives.


C
︎︎︎Colomer Jordi


Anarchitekton (Bucarest 1), 2003, Tirage couleur à développement chromogène sur papier sané contrecollé sur aluminium 76 x 61 (avec cadre), Fonds d’art contemporain – Paris Collections.

Anarchitekton (Bucarest 2),
2003, Tirage couleur à développement chromogène sur papier sané contrecollé sur aluminium, 61 x 76 (avec cadre), Fonds d’art contemporain – Paris Collections.


Né en 1962 à Barcelone.
Vit et travaille à Paris et à Barcelone.

Dans Anarchitekton, un personnage court dans des paysages urbains, en brandissant un modèle réduit de l’architecture. Véritable miniaturisation bricolée de l’environnement construit, elle rappelle l'artificialité du décor dans laquelle chacun évolue. Les photographies choisies ici ont comme toile de fond Bucarest, mais la série (vidéo) se déploie également à Barcelone, Brasilia et Osaka, ce qui donne à la course effrénée du porte-étendard une portée trans-frontalière, trans-paysages. En annulant l’emprise au sol, Colomer ré-évalue le rapport au spatial et allège les fondations plombantes du bâti. Il rend ces immeubles portatifs, mobiles, ce qui dans la capitale Roumaine pourrait rappeler les déplacements d’églises ordonnés par Ceausescu, qui a cherché à façonner, contraindre la ville, inspiré par une utopie de systématisation urbaine. La marche solitaire, entre procession pieuse et manifestation engagée, rappelle le bagage urbain que nous emportons, une fois seuils et frontières franchis. En parallèle du travail photographique et du récit vidéo, les maquettes précaires, sont également conservées comme des documents architectoniques, fragiles témoignages de l'œuvre.


D

︎︎︎Dion Damien



SEUIL, 2018-2021, impression sur paillassons, produit par Rencard collectif.

Né en 1985
Vit et travaille à Paris

Pour l'exposition “Sans feu ni lieu”, Damien Dion propose une pièce intitulée SEUIL, composée d'une série de paillassons identiques sur lesquels est imprimé ce mot en écriture spéculaire.

À la fois désacralisée et désacralisante, la forme “paillasson” joue sur le statut incertain d’un objet qui est ici simultanément objet d’art et objet domestique. Dans l'exposition, il sera dispersé dans divers endroits qui font seuil : dans l'embrasure d'une porte, dans un sas, un couloir… Il est le symbole d'un passage entre deux espaces, entre deux états. Son écriture en miroir invite à un jeu de réflexion, dans le double sens du terme. À  la fois objet du monde et reflet d’objet, sa dimension spéculaire prend une tournure spéculative en forme d’interrogation métaphysique : et si notre monde n’était que le reflet d’un autre ?


︎︎︎Discrit Julien


Brighter than a thousand suns, 2007, Tirage couleur à développement chromogène sur papier sané contrecollé sur aluminium, 80 x 60, Fonds d’art contemporain – Paris Collections.

Né en 1978 à Epernay.
Vit et travaille à Paris.

L’empreinte et le moulage des mains, récurrent dans l'Œuvre de Discrit, est ici un moulage de lumière. Dans cette photographie, les mains enlacent une source de lumière, qui diffuse une lueur chaude depuis les paumes réunies. Image de recueillement, c’est surtout une image de dissimulation, qui figure le secret, la préciosité de la source de chaleur. Brighter than a thousand suns rappelle ainsi le foyer, précieux, chaleureux et fragile. La proximité formelle entre des braises rougeoyantes et une planète du système solaire évoque le jeu d’échelle qu’affectionne l’artiste. Nos géographies perçues et projetées sont des moyens pour lui de cartographier l’intimité et le lointain, ainsi que le fait cette photographie énigmatique, qui joue des échelles et des perceptions (à portée de main-intime / lointain-stellaire). Pour aller plus loin, on peut faire le pari que le grand écart analogique suggéré par Discrit évoque la force centripète qui rassemble l’astre solaire et le foyer. Les deux entités fonctionnent en effet comme des pivots : la rotation des autres (individus partageant le même oikos ; planètes du système solaire), s’organisant à partir d’eux.

H
︎︎︎Hahn Clarisse


Los desnudos, notre corps est une arme, 2012, Vidéo numérique HD, 16/9, Los desnudos : 7‘58‘’ / La Chefa : 5‘57‘’, Fonds d’art contemporain – Paris Collections

Né en 1973.
Vit et travaill à Paris.

Le corps est un lieu de résistance à la fois politique et sociale rendant possible l’expression des combats et des luttes. Nu, il est la revendication d’une identité, d’une appartenance par l’étonnement et le dérangement. Grâce à son occupation de l’es- pace public, il trouble et émeut son auditoire dans la confrontation. La chair dépouillée jaillit de l’indifférence et impose aux regards sa condition permettant la réappropriation d’un statut. Le corps est un lieu à soi offert au jugement des autres, le foyer de convictions et l’expression de revendications.

Ce film est l’un des trois volets d’une série réalisée par Clarisse Hahn nommée Notre corps est une arme. Il présente un groupe de 400 paysan·ne·s mexicain·e·s qui réclament justice par la manifestation, contestant les expropriations spoliations de leurs terres dont iels ont été victimes. C’est un jeu de contrastes qui s’établit entre les corps nus protestataires et les regards posés sur eux, entre le dépouillement des manifestants et la prolifération immobilière de ce quartier chic. Apparaît alors une œuvre à la fois chorégraphique et documentaire saisissante dont les jeux de caméra soulignent la confrontation des corps et leur positionnement dans l’espace.

A︎︎︎X



K
︎︎︎Khouri Charlotte


Investiture coeur d'argent, 2020, installation vidéo, moquette, inox brossé, bois, plexiglass, Dimensions variables, Fonds d’art contemporain – Paris Collections.

Née en 1985.
Vit et travaille à Paris

Dans Investiture cœur d’argent, les spectateur·trice·s sont invité·e·s à s’installer dans le théâtre d’une communication codifiée, en prenant place sur l’Arche de la Défense et le Cœur de Défense, ou en entre apercevant les devants de la scène depuis deux lorgnettes en forme de fenêtres-nuages.

Charlotte Khouri s’adonne au jeu de la représentation télévisuelle. Elle déroule une émission fleuve, où s'enchaînent dans un continuel écho, différentes personnalités, reportages, et interviews. Tour à tour, elle aborde les phénomènes de voix et de métalinguistique, l’organisation standardisée des habitats modernistes et le système seigneurial. Elle rejoue avec humour les réponses, les postures, le ton et l’attitude de femmes, qui ont marqué notre culture populaire et emprunté les plateaux de télévision comme la voie d’une lutte des représentations et d’une réappropriation de leur parole et leur image publique. Les décors et les armes-accessoires, qui habitent l’écran de télévision sont reproduits sur des surfaces planes, dans des matériaux industriels et viennent révéler les jeux profonds de l’interview et les mécanismes d’affirmation qui s’invitent dans nos habitudes vocales et paraverbales.


︎︎︎Kiswanson Tarik


Objet ambigü #9, 2015, cuivre poli 3,5 x 92,3 x 74,5, Fonds d’art contemporain – Paris Collections.

Né en 1986 à Halmstad.
Vit et travaille à Paris.

Niché dans un coin, l’Objet ambiguë #9 de Tarik Kiswanson attire par sa surface réfléchissante autant qu’il semble menacer, au moyen de ses formes aiguisées, quiconque ose s’en approcher. En effet, les pointes tranchantes de cette fine plaque cuivrée soigneusement polie agissent moins comme une mise à distance qui protège une zone de l’exposition qu’un dispositif de fragmentation des corps des spectateur·ice·s qui s’y reflètent. À la vulnérabilité du corps découpé répond la fragilité paradoxale de cette sculpture qui ne se dévoile véritablement qu’en se confrontant directement à elle. Le·a regardeur·se attentif·ve pourra effectivement observer les vibrations subtiles de sa surface au gré des mouvements d’air provoqués par les déplacements autour de l’œuvre. En questionnant la manière dont les corps sont sollicités et représentés, Tarik Kiswanson met en lumière les frontières physiques, psychologiques, voire institutionnelles qui contraignent mouvements, interactions et projections dans l’espace d’exposition et plus généralement au sein de notre société.

L
︎︎︎Lacombe de Repentigny Florence


Sous le passage boisé (les gâteaux sortent du four, @ toute bb), installation.

Née en 1997
Vit et travaille à Paris

D’origine québécoise, vivant à Paris depuis 2014, Florence Lacombe de Repentigny est récemment diplomé.e d'un master d’Arts Plastiques à l’École des Arts de la Sorbonne. S’intéressant particulièrement à l’idée d’être un.e « hacker de la vie », le travail de Florence mêle des fantômes sensoriels, virtuels, symbôles et références de la culture Internet dans des terrains de jeux à l’enchevêtrement tangible et intangible.

La projection de Florence Lacombe de Repentigny est un paysage recomposé, des bribes d’images perdues, anonymes ou personnelles. Ce lieu imaginé par l’artiste est à explorer comme l’indique la mini map, cette petite carte qui permet de se situer dans les jeux vidéo.

Mais où mène cette carte ?
Elle nous mène à un espace numérique où un chez-soi différent est possible. Là où les fenêtres appartiennent à des maisons virtuelles, là où les liens nous relient en une seconde, là où la carte mère nous permet de fonder notre propre famille. Loin des foyers traditionnels nucléaires AFK (away from keyboard, loin du clavier), les glitchs et les hacks (bugs et piratage informatique) offrent des espaces possibles évolutifs et communautaires.

Comment accéder à ce foyer ?
Suivez la carte, imaginez ce monde, sondez les recoins. Florence Lacombe de Repentigny vous invite à chercher les portails physiques au sein de l’espace d’exposition. Il s’agit de petits biscuits, dispersés, à récolter ou à manger. Ils sont des offrandes tangibles, stimulant vos sens et surtout vos papilles, permettant un moment de partage social et une connexion entre le monde physique et le lieu virtuel parcourus simultanément sur la toile digitale.


︎︎︎Lucas Thibault

Loneliness, 2021, installation in situ, Poush Manifesto, Clichy

Né en 1984.
Vit et travaille à Paris.

C’est sous la forme de sculptures minimalistes aux allures de Land art que Thibault Lucas se réapproprie l’environnement urbain. Ces œuvres in-situ aux silhouettes archaïques et instables sont porteuses de sens émané par un symbolisme fort. Ces images (mentales) sont destinées à suggérer, à éveiller la représentation à la fois d’un enfer humain et en même temps d’un sujet sociétal : la précarité et le nomadisme des camps de migrants aux abords de la capitale. Ses Portes sont des assemblages à partir de rebuts de construction trouvés sous le périphérique aux Portes de Paris. Initialement créées et laissées in situ, elles sont pour la première fois exposées hors situ.

Ces structures architecturales en forme d’arc sollicitent à la fois le passage, la mémoire, le lien. L’invitation au geste de déambulation, de traverse, de franchissement souligne la tension entre les notions de repère et de frontière. L’évocation d’un état de dedans/dehors alimente cette idée de circulation, de flux et place le déplacement au centre de l’œuvre. L’environnement qu’elles animent, souvent défavorable à l’habitation et proche du terrain vague, se transform et donne une nouvelle lecture à ce territoire. Un rapport spatio-temporel s’installe, l’expérience du lieu épousant l’installation (ré)invente un langage avec le paysage, une histoire.



M
︎︎︎Momein Nicolas


Vivre ensemble, série Sculpture par exemple, 2013, pantoufles, 45 x 10 x 31, Fonds d’art contemporain – Paris Collections.

Né en 1980 à Saint Etienne.
Vit et travaille à Paris.

Le travail de Nicolas Momein nous plonge dans un univers où les objets, issus de notre quotidien, se dépouillent de leur fonction pour se réduire à des formes étranges, ludiques, voire zoomorphes. Outre une perte de repères face à notre environnement domestique, l’artiste bouscule son rapport à sa propre sphère intime, celle du monde rural côtoyé durant son enfance. Nicolas Momein aime croiser les techniques ancestrales, rurales et artistiques en recourant à des matériaux artisanaux et industriels tels que la pierre de sel léchée par des bovins, le crin ou l’élastomère PU et le bulgomme.

Par l’étirement du geste, dû à la répétition de neuf paires habituellement agrafées entre elles, les pantoufles, évoquant un lien de l’ordre du privé et du familier car présentes dans chaque foyer,  deviennent des objets autonomes. Les pantoufles perdent alors leur usage premier, celui de se sentir confortablement chez soi et se chargent d’une nouvelle signification car elles semblent menaçantes, adoptant la forme d’une excroissance presque minérale. Cela répond à ce détournement insolite du quotidien, propre à l’artiste.


P

︎︎︎Peñafiel Loaiza Estefania



Un air d'accueil, série un air d'accueil, 2013 - 2015, impression jet d’encre sur dibond, 60 x 90, Fonds d’art contemporain – Paris Collections.

Née en 1978 à Quito.
Vit et travaille à Paris.

Observables depuis des niches et des renfoncements naturels, des paysages fantomatiques se révèlent. Une faune aux couleurs mystiques s’étend dans l’aridité du climat et fait émerger des ombres, des zones vaporeuses, comme autant d’illusions d’un passage humain. Dans ces décors irréels, la mélancolie suinte des pierres et des arbres, témoins de mirages et porteurs d’une mémoire impénétrable.
 
Dans cette série de photographies, Estefanía Peñafiel Loaiza s’empare des caméras de surveillance, voyeuristes et liberticides, qui enregistrent des groupes de migrant·e·s à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis. Du processus de photographier ces vidéos en laissant l’obturateur ouvert, de nouvelles images apparaissent. La brièveté des mouvements s’efface et laisse place à l’absence. Par ce nouveau regard, une autre réalité, où les ombres remplacent les corps, s’offre aux spectateur·rices.


S

︎︎︎Sanchez Carolle


L’œuvre en échec / double denied, 2021.

Vit et travaille à Paris

Carolle Sanchez se situe dans l’interstice des mondes du droit et de l’art. Récemment diplômée du M2 en création contemporaine et arts plastiques de l’Ecole des Arts de la Sorbonne, elle est aussi avocate aux Barreaux de Paris et de New York.

Une idée de jonction que l’on retrouvera dans l’exposition “Sans feu ni lieu” où l’artiste va créer un point de passage pour entrer dans le lieu d’exposition (à la galerie Michel Journiac). En effet, si l'on peut se sentir parfois impressionné avant d'oser pousser la porte d'une galerie, et afin  de  répondre  à ce sentiment de manque de légitimité  que  tout  un  chacun  peut ressentir, Carolle Sanchez va créer des clefs, comme un passe-droit invisible, qu'elle donne aux visiteurs en signe de bienvenue.
 
Un autre type de clef, cette fois-ci USB, apparaitra, l’une dans le mur de la Galerie Michel Journiac et l’autre dans celui de la salle d’exposition de Poush Manifesto. Elle indiquera sur un écran qu’un téléchargement est en cours. Ce lien permettrait de créer un  échange entre deux lieux qui sont pourtant éloignés géographiquement et poserait la question de l’existence de nos réseaux comme une extension de nos intimités à l’extérieur de nos foyers.


V
︎︎︎Villapadierna Lou


Antennae, 2021, Installation sonore — acier, ventilateurs holographiques, bande son.

Vit et travaille à Paris.
  
L’installation sonore Antennae de Lou Villapadierna produite pour l’exposition “Sans feu ni lieu” se dresse comme une déformation totémique abstraite et néanmoins vive d’une organicité accueillante. Sculpture animée d’un souffle audible aussi bien que virtuel, elle compose un espace commun et chaleureux; un foyer sonore autour duquel se réunir afin de partager collectivement un moment d’écoute. Les voix qui en émanent, celles d’enfants en pleine mue, sont saisies dans ce moment suspendu de la transformation. Elles-mêmes sans corps, fugitives, désormais lointaines, elles racontent l’histoire d’une présence manquante, le récit d’une voix virtuelle dont les trajectoires potentielles sont infinies, et s’actualisent dans chacun des récits qui en sont faits. L’installation de Lou Villapadierna est ambiguë en cela qu’elle donne l’illusion d’être en même temps réceptrice et émettrice du récit polyphonique qui informe ses contours. Le mouvement cyclique, presque tautologique, qui noue les formes sonores et plastiques qui la composent s’intensifie dans le souffle de ventilateurs hologrammes, révélant des mots qui ne seront jamais prononcés. Le récit de cette perte partagée ravive le feu d’une union possible, d’une autre approche de l'altérité, d’un langage dès lors capable de parler de ce qu’il ne connaît pas.



W

︎︎︎Weinberger Lois


Garden, 2015, Socle en bois, bassine en polyéthylène, journaux, terre, plante rudérale, 87.5 x 54 x 38.5 cm, Fonds d’art contemporain – Paris Collections.  Ed. 5/10 + 2 a.p
courtesy Salle Principale, Paris
photo © Salle Principale

Né en 1947 à Stams, Autriche.

Nous nous sommes tou·te·s déjà essayé·e·s à faire pousser des petites graines trouvées au détour d’un placard dans de la ouate gorgée d’eau. Cette activité éducative qui consiste à dompter la nature afin d’observer le processus de germination, conduit les enfants à exercer leur domination sur le monde végétal. Dans ce simple bac en plastique, placé sur un socle en bois d’assemblage artisanal, naît et se déploie le temps de l’exposition, un petit jardin d’intérieur, une sculpture vivante, précaire, qui se refuse à l’asservissement. L'artiste sélectionne une plante rudérale, habituée aux terrains hostiles, défrichés et à se frayer un chemin entre l’asphalte et le béton. Elle s'épanouit, ici, dans une pile compacte de journaux dans laquelle elle puise l’essentiel pour survivre. De cette confrontation écologique entre le végétal et l’information stérile, la nature sort victorieuse.


X
︎︎︎Xolo Cuintle

The Corporate Times Act 3 : Deserted Administration, 2021, Installation évolutiv, béton, acier, tige cuivrée, végétaux séchés, kapok, coton, dimensions variables 

Nés en 1995 et 1996.
Vivent et travaillent à Paris.

Sous l'entité Xolo Cuintle, Romy Texier et Valentin Vie Binet façonnent des espaces dont l’on ne saurait distinguer l'histoire passée ni celle à venir, là où la rudesse du béton enrobe un état de latence. Entre mobilier et sculpture, leurs objets ambigus créés par du béton et pour la plupart ornementés de rinceaux, se fusionnent à l'architecture domestique ou bureautique autant qu'ils la défient. Pour l’exposition Sans feu ni lieu, le duo d’artistes propose l’installation évolutive Deserted Administration composée de corniches ornementées, d’une réinterprétation du siège de direction de Pollock et d’un dallage au travers duquel, durant le temps de l’exposition, des fleurs résilientes pousseront et s'étendront au délà. En s'appropriant le caractère urbain du béton, ce matériel qui appartient à l'espace public, aux bâtiments, à la rue, le duo Xolo Cuintle interroge le caractère utilitaire des objets-fossiles qui constituent les topographies de notre quotidien.




Mark